Rien n'est plus à la mode aujourd'hui que de parler de patrimoine. Même dans les coins les plus reculés de notre beau pays, rares sont les régions qui ne se sont pas subitement découvert quelques richesses insoupçonnées, et l'on ne compte plus les associations locales qui ont été constituées pour la défense de tel ou tel monument. Et qui pourrait s'en plaindre ?

Mais comme toute mode, elle traîne aussi ses laissés-pour-compte : parce que mal situés, à l'écart des grands programmes de développement ou simplement par les hasards de l'histoire.

Derrière le tableau tout en rose que nous dressent chaque année les médias à l'occasion des journées du Patrimoine, des affaires moins reluisantes invitent à montrer profil bas, qui ont conduit à la ruine de nombreux châteaux souvent de grande valeur.

Environ deux cents châteaux sont recensés à l'abandon ou menacés de ruine dont deux tiers ne sont pas protégés. Lorsqu'on s'aperçoit que des édifices, qui en principe bénéficient d'une protection au titre des Monuments historiques, peuvent être rayés du paysage sans que soit apportée une autre réponse qu'un aveu d'impuissance, on reste bien sceptique quant au sort réservé aux innombrables monuments ou châteaux non protégés.

Le sentiment d'incompréhension naît lorsque face à une attitude proprement tatillonne, on voit des monuments d'ampleur menacés dans leur intégrité attendre tranquillement qu'une administration hésitante engage les mesures conservatoires indispensables pour stopper le massacre.

Que dire des monuments qui ne sont ni classés, ni inscrits ?

Dès lors que l'édifice présente un intérêt du point de vue du patrimoine et que sa conservation est gravement compromise, l'administration peut toujours envisager une instance de classement. Cette procédure permet d'appliquer au bien en question, pendant un an, tous les effets du classement et en particulier les moyens de protection en application des articles 9 et 9-1 de la loi du 31 décembre 1913 et par décision du préfet de région, imposer certains travaux jugés indispensables à la conservation du monument.

La procédure d'occupation temporaire (loi du 30 décembre 1966, article 3) permet, le cas échéant, d'effectuer sur le terrain, les travaux d'urgence nécessaires.

Enfin si la conservation du bien en dépend, l'État peut très bien aller jusqu'à demander l'expropriation (article 6 de la loi du 31 décembre 1913). Cette procédure peut être engagée à l'initiative d'une commune.

Enfin si l'édifice en question menace ruine, le maire a toujours la possibilité de prendre un arrêté de péril (articles L.511-1 et L.511-2 du code de la construction et de l'habitation) après avoir recueilli l'avis de l'architecte des bâtiments de France.

L'instance de classement est donc un moyen de contrainte efficace lorsqu'une menace imminente pèse sur un édifice mais qui n'engage pas l'avenir.

La législation existe donc, mais la réticence évidente avec laquelle l'administration décide de la mettre en œuvre ne permet pas, dans bien des cas, de résoudre les problèmes ou trop tardivement.

L'un des arguments avancé est qu'elle constitue une atteinte au droit de propriété et, à ce titre, son emploi doit rester tout à fait exceptionnel. Victimes consentantes ou acteurs engagés, chacun a, d'une certaine façon, sa part de responsabilité lorsqu'un morceau de mur tombe, une ardoise est arrachée,un élément de décor est vandalisé. Il ne s'agit pas en l'occurence de distribuer les bons ou les mauvais points mais de mettre en évidence les défaillances du système pour tenter de l'améliorer...


Château de Neuville : Après avoir fait naître de grands espoirs, les projets se délitent et le château tombe en ruine

Inoccupé et à l'abandon depuis une vingtaine d'années, le château de Neuville, édifié au cœur de la commune, et bien que ceint d'un mur et de larges grilles, devint rapidement la proie facile des pilleurs qui se chargèrent de déménager sans scrupule boiseries, cheminées, mobilier et autres éléments de décoration intérieure.

C'est marqué par le délabrement que le château offrit aux visiteurs ses façades meurtries et son intérieur dépecé lors des journée "portes ouvertes" du 9 novembre 1996, qui fournissait à la municipalité l'occasion de présenter aux Neuvillois une étude sérieuse avancée par Monsieur Jérôme Pujos, à l'origine de l'idée avec Monsieur de la Poèze d'Harambure.

Le comte de la Poèze d'Harambure présenta de nombreuses propositions de rénovation du château au Conseil municipal. La dernière fut acceptée, en promesse de vente, à un aménageur, à travers l'Établissement Public d'Aménagement de la Ville Nouvelle.

M. de la Poèze d'Harambure proposa dès 1988 des plans de rénovation. Il participa dès lors avec l'EPA (nouvel acquéreur), la commune et le promoteur Jérôme Pujos à l'étude des possibilités de rénovation. Entre 1990 et 1992, l'ensemble du château, ses dépendances et son parc (30 hectares) furent divisés en quatre lots : • deux lots réservés à la construction pavillonnaire (environ 15 hectares), • un lot prévu en espace public - Pavillon d'Amour et berges de l'Oise - à la commune, • et le dernier lot - le château - en prévision d'une rénovation et d'un réaménagement en hôtellerie de haut niveau et en lieu d'accueil et de séminaire pour les quelques 3300 entreprises implantées à l'époque sur l'agglomération nouvelle.

Le projet "Pujos SA" collait parfaitement, selon Jacques Feyte Maire de Neuville, à la définition du plan d'occupation des sols de la commune. ll voyait alors avec bienveillance dans ce projet l'implantation d'une hôtellerie qui favoriserait les onze communes de l'agglomération.

De son côté, François Bouchard, directeur de l'EPA, assurait : "Nous avons eu plusieurs propositions de rénovation, mais celle-ci est le meilleur compromis entre ce qui peut être fait dans ce château et les contraintes économiques actuelles. Nous souhaitons de tout cœur qu'il puisse aller jusqu'au bout".

Malheureusement le projet, pour des raisons financières, ne put aboutir et le château demeura endormi et livré aux pires exactions.

Parmi les effets pervers de l'inoccupation qui frappèrent le château, on citera principalement les incendies qui endommagèrent toitures et charpentes. Lors du dernier d'entre eux, survenu le 29 avril 2002, les pompiers de Neuville étaient alertés par un automobiliste qui leur signalait un incendie dans le château désaffecté. L'incendie, vraisemblablement causé par des squatters imprudents s'était principalement déclaré dans les combles à l'angle de l'aile et de la façade principale du château.

Quelques années après l'avortement du projet "Pujos", un nouveau projet d'une ampleur ambitieuse redonnait espoir à tous les protagonistes de cet épineux dossier : L'EPA, la municipalité de Neuville, les deux associations constituées par les occupants des deux opérations de promotion immobilière lancées en 1992 et l'association de protection des Neuvillois, lesquels déployaient tous des trésors d'énergie pour stopper la lente agonie du château.

La rumeur faisait rapidement état dans les rues de la commune de l'installation d'une maison de retraite au château. Et de fait, un an de tractations délicates menées avec prudence, aboutissait en 2002 à la vente du domaine, le château et son parc, à M. Jean Liogier, déjà propriétaire d'une maison de retraite à Compiègne.

Son groupe "Epinomis", spécialisé dans la gestion d'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes de concept innovant et de grand standing, a travaillé pendant un an sur ce projet ambitieux avec les élus neuvillois, le syndicat d'agglomération de Cergy-Pontoise (SAN), le Conseil général, les techniciens de l'EPA et des Monuments de France, pour aboutir, en septembre 2002, à la signature solennelle de l'arrêté de permis de construire rendant désormais quasiment définitive la réalisation de ce magnifique projet de vie.

Le premier coup de pioche est attendu en 2003 et la réhabilitation du château, de ses communs, de sa ferme et l'élévation des constructions annexes devraient durer environ dix huit mois.